Marilyn Apaloota, 21 ans, essuie les tables et remplit les distributeurs de serviettes. Elle travaille au Café de trois à six jours par semaine, selon les besoins. D’abord condamnée par un tribunal à y faire des travaux communautaires, elle a choisi d’y rester bénévolement avant de devenir une employée salariée.

« J’aime tout ici », dit Marilyn. Elle aime travailler avec les autres, apprendre à cuisiner et préparer des repas qu’elle qualifie de « plutôt très bons ».

Le Café Inclusion est né d’une idée toute simple pour combler deux pénuries dans la capitale du territoire du Nunavut, soit les desserts faits maison et des emplois inclusifs. En 2010, la société d’aide aux personnes ayant une déficience au Nunavut (Nunavummi Disabilities Makinnasuaqtiit Society) a demandé au centre d’aide alimentaire Qayuqtuvik si elle pouvait emprunter sa soupe populaire deux jours par semaine pour enseigner la pâtisserie à quelques-uns de ses membres. On planifiait vendre les pâtisseries confectionnées et utiliser les profits pour verser un salaire aux employés.

La collaboration était avantageuse pour tout le monde : les personnes à l’emploi du Café pourraient donner un coup de main à la soupe populaire…

Quand les apprentis pâtissiers se sont ensuite mis à faire du ragoût et du chili de caribou, l’organisme a obtenu des fonds pour embaucher un chef cuisinier qui serait responsable de composer un menu complet pour un service de traiteur qui s’appellerait le « Café Inclusion ». La collaboration était avantageuse pour tout le monde : les personnes à l’emploi du Café pourraient donner un coup de main à la soupe populaire qui, de son côté, pourrait servir des produits préparés par le Café.

« Il y a toujours
quelque chose
à faire. »

Le Café est devenu un pôle d’attraction — non seulement pour manger et tuer le temps, mais aussi pour travailler. « Avec le temps, nous avons dû nous rendre à l’évidence qu’il fallait élargir notre définition de la déficience », raconte Nalini Vaddapalli, membre du conseil d’administration de la société d’aide aux personnes ayant une déficience et l’une des initiatrices du projet. Selon elle, de nombreuses personnes à Iqaluit ont de la difficulté à obtenir un emploi pour d’autres raisons que les déficiences physiques et mentales : les personnes qui ont un casier judiciaire ou qui manquent d’expérience de travail sont souvent écartées par les employeurs. « Ces gens nous ont fait comprendre qu’ils avaient aussi besoin d’aide. »

Le chef cuisinier Michael Lockley et Marilyn Apaloota dans la cuisine du Café Inclusion

Après avoir obtenu une subvention du gouvernement territorial pour donner de la formation technique, le Café a pu embaucher et former jusqu’à 15 personnes, qui ont non seulement appris à cuisiner mais aussi à gérer un budget, à respecter un horaire et à travailler des heures régulières, soit des aptitudes essentielles à la vie quotidienne.

« C’est un parcours du combattant », fait remarquer le chef cuisinier Michael Lockley. Et il sait de quoi il parle : après avoir passé sa vie à se produire dans des salles de concert et à faire des tournées en Europe, ce chanteur d’opéra à la retraite a tout abandonné pour vivre à Iqaluit et « préparer des repas pour les personnes qui en ont besoin ». Bien des gens qui se présentent au Café Inclusion ont essayé de travailler dans d’autres cuisines commerciales d’Iqaluit sans pouvoir donner ce qu’on exigeait d’eux. Il y a tellement de gens qui ont besoin d’acquérir des compétences que Michael Lockley est très heureux que le ministère fédéral Affaires autochtones et du Nord Canada ait récemment accordé au Café une subvention sur cinq ans pour élargir son programme.

Des personnes formées au Café ont pu mettre à profit leurs compétences pour aller travailler ailleurs, mais d’autres ne veulent pas quitter l’environnement de travail compréhensif du Café. « En arrivant, le matin, je me prépare du café, nous confie Marilyn. Il y a toujours quelque chose à faire. Je ne suis pas de genre à tout planifier, mais je suis bien ici pour le moment. »

Café Inclusion à Iqaluit

Alors qu’une personne sur trois se trouve en situation d’insécurité alimentaire chaque mois, le Nunavut a le taux le plus élevé d’insécurité alimentaire dans les ménages pour l’ensemble du Canada


Population du Nunavut

Une personne sur trois se trouve en situation d’insécurité alimentaire

Source : www.feedingnunavut.com (en anglais seulement)

En avril 2017, la Commission est allée dans le Nord du Canada pour rencontrer des intervenants, des dirigeants et d’autres gens pour mettre en commun les pratiques exemplaires et entendre toutes ces personnes parler des problèmes et obstacles qui empêchent les communautés nordiques éloignées d’utiliser le système de justice. La Commission a alors entendu parler du Café Inclusion. Ce café a des répercussions tellement positives pour toute une communauté que la Commission s’en est inspirée quand elle a eu à choisir des thèmes et des messages pour ses communications publiques le reste de l’année, soit que toutes nos actions peuvent aider à changer les choses et que les actions d’une personne sont assez puissantes pour générer des grands changements menant à l’inclusion de tout le monde.